Poétique des
textes : éléments de narratologie
Source : Vincent Jouve, Poétique du roman, Paris, Armand Colin, 2014.
I - Rappel sur les structures du récit
- Bien distinguer :
- le récit : discours oral
ou écrit qui présente une intrigue
- l’histoire : l’objet du
récit, ce qu’il raconte
- la narration : l’acte
producteur du récit, qui prend en charge les choix techniques (rythme, ordre,
etc.)
1 Le narrateur
et le narrataire
- il faut distinguer les personnes réelles (auteur et
lecteur) et les instance fictives qui les représentent dans le texte (narrateur
et narrataire)
- le narrateur est une voix : c’est la voix du récit.
- Son statut
dépend de
- sa
relation à l’histoire : hétérodiégétique (non impliqué comme personnage),
homodiégétique (impliqué comme personnage), autodiégétique (impliqué comme
personnage principal)
- le niveau
narratif où il se situe : extradiégétique (le narrateur n’est pas dans un
récit enchâssé), intradiégétique (le narrateur est objet d’un récit premier)
- 6 fonctions
principales du narrateur :
a) fonctions qui
renvoient au fonctionnement du récit :
- fonction
narrative consiste à raconter. Elle est
explicite (« je vais raconter… ») ou implicite
- fonction
de régie consiste à organiser le récit (analepses, prolepses, symétries,
ellipses, etc.)
- fonction
de communication permet d’établir un contact direct avec le destinataire
b) fonctions qui
renvoient à l’interprétation de l’histoire
- fonction
testimoniale renseigne sur le rapport affectif, moral, intellectuel que le
narrateur entretient avec l’histoire
- fonction
idéologique lorsque le narrateur émet des jugements généraux sur le monde, sur
la société et les hommes (recours au présent gnomique, à valeur intemporel)
- fonction
explicative permet de livrer des informations nécessaires à la compréhension de
l’histoire.
2 les modes
de la représentation narrative
- le « mode » renvoie aux procédures de régulation
de l’information narrative
a la distance
en fonction du degré de précision des informations fournies par le récit soit
en ce qui concerne les événements, les paroles (ou les pensées)
- pour les événements :
- procédés
de proximité : effacement de l’instance narrative, descriptions précises
(visualisation), mention de détails inutiles à l’intrigue
- procédés
de distanciation : résumé, substitution du commentaire aux faits
- pour les récits de paroles : échelle de la plus
grande imprécision à la plus grande précision :
- discours
narrativisé : « Il lui apprit sa maladie »
- discours
transposé : « Il lui dit qu’il était malade »
- style
indirect libre : « Il l’informa sur sa santé. Il était malade »
- discours
rapporté : « Il lui dit : ‘Je suis malade’ »
- discours
immédiat (style direct libre) : Jean rencontra Paul. Je suis malade. Le malheureux ! pensa Jean »
bla focalisation
- répond à la question « qui perçoit ? »
-
focalisation zéro : point de vue du narrateur omniscient (focalisation sur
aucun personnage, le narrateur en sait plus que le personnage)
-
focalisation interne : le narrateur adapte son récit sur le point de vue
d’un personnage (restriction de champ et sélection de l’information, le
narrateur en sait autant que le personnage)
-
focalisation externe : lorsque l’histoire est racontée d’une façon neutre,
comme si le récit se confondait avec l’œil d’une caméra (le narrateur en sait
moins que le personnage)
3 Temps
- Le temps relève des structures du récit car un narrateur
peut consacrer plus ou moins de temps au récit de tel événement
- l’analyse narratologique du temps consiste à s’interroger
sur les relations entre temps de l’histoire (temps raconté) et temps du récit
(temps mis à raconter)
- le moment de la
narration :
- narration
ultérieure : on raconte après
- narration
antérieure : récit au futur
- narration
simultanée : se signale par l’emploi du présent
- narration
intercalée : mixte de passé et de présent (cf. le journal intime)
- la vitesse
porte sur le rythme du roman (accélérations et ralentissements)
- la
scène : coïncidence entre le temps que l’on met à lire et le déroulement
de l’épisode
- le
sommaire : effet d’accélération
- la
pause : le récit se poursuit alors qu’il ne se passe plus rien (cf. les
descriptions ou les commentaires)
-
l’ellipse : accélération maximale
- la fréquence
renvoie au nombre de fois où un événement est raconté
- mode
singulatif
- mode
répétitif
- mode
itératif
- l’ordre s’intéresse
aux rapports entre l’enchaînement logique des événements et l’ordre dans lequel
ils sont racontés
- récit
linéraire en cas d’homologie entre les deux
- récit non
linéaire en cas de discordances liées à des « anachronismes »
narratives : prolepses (anachronismes par anticipation) ; analepses
(anachronismes par rétrospection)
II. l’analyse de la description
- Ne concerne pas à proprement parler la narratologie (comme
étude des structures du récit)
- pour Philippe Hamon l’analyse de la description se ramène
à l’examen de trois question : son insertion (comment s’insère-t-elle dans
le récit ?) ; son fonctionnement (comment s’organise-t-elle
comme unité autonome ?); son rôle (à quoi sert-elle dans le roman ?)
1 l’insertion de la description
- la désignation du sujet décrit peut se faire par :
- ancrage (mentionner le sujet décrit
au début du passage descriptif)
- affectation (retarder l’indication du
sujet décrit, qui pourra n’intervenir qu’une fois la description achevée)
- l’insertion de la description dans un récit est toujours
délicate car risque d’apparaître comme une pause dans l’action. Les romanciers
réalistes s’efforcent donc de naturaliser
ces passages descriptifs :
- le camouflage : masquer le caractère
statique de la description en la dynamisant
- la motivation : justifier la pause
descriptive en la rattachant à la logique de l’histoire
2fonctionnement de la description
- deux macro-opérations
- l’aspectualisation indique l’aspect
de ce qui est décrit en mentionnant les propriétés (volume, taille, forme,
couleur etc.) et les composants (éléments constitutifs)
- la mise en relation précise le lien
de l’objet décrit avec les autres objets du monde
- soit par assimilation (rapproche l’objet décrit
de réalités plus familières, par comparaisons, métaphores,
reformulations) ;
- soit par mise en situation : indique la place de l’objet décrit dans
l’espace et dans le temps
3 le rôle de la description
- principales fonctions (ou rôles) de la description dans un
roman :
- fonction mimésique qui donne l’illusion de
la réalité
- la
fonction mathésique diffuse un savoir
sur le monde
- fonction sémiosique : toute description est
porteuse de significations (rôle explicatif, évaluatif ou symbolique)
- fonction esthétique : une description se
rattache souvent implicitement à un courant littéraire (elle peut avoir un rôle
ornemental)
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